Mercredi 09 Janvier
Tarrafal au mouillage toujours trop venté
C’est décidé, nous partons samedi prochain. Comme tous nos départs depuis
Marseille, nous partons un samedi. Le Vendredi est de toutes les façons à éviter dans la tradition marine.
Cap sur la Barbade à près de 2100 milles. Daniel nous confirme que la météo
est favorable. Les alizés sont bien établis : 20 à 25 nœuds de Nord Est avec
une houle de 2m à 2m50 qui suit le vent. La route à suivre est la route
directe soit un cap 270°. Cela semble idéal. Une allure au portant (160° par
rapport au vent), un vent stable, une houle arrière, Todo Bom comme on dit
au Cap vert.
Nous ne ferons finalement pas de halte à Fogo où Brava, les deux autres îles
du Cap vert qui sont sur notre route. Les mouillages sont paraît-il peu
abrités alors que le vent ici à Tarrafal ne se calme toujours pas.
Je passe une bonne partie de la journée à m’occuper du bateau : dans l’eau à gratter les coques et les hélices, sur la baume à consolider le spectra de
l’écoute de GV, dans les cales moteurs à vérifier les niveaux, dans le
générateur pour faire tourner le dessal et compléter les pleins d’eau. La
pression monte doucement. Que c’est bon !
La fête ici bat son plein. C’est en effet le festival annuel de Tarrafal.
Des groupes se succèdent tous les soirs à partir de 21H00 sur la place
centrale non loin de notre mouillage jusqu’au petit matin et nous abreuvent
d’une musique africaine très rythmée.
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Le capitaine qui consolide une surliure avant la transat |
Petit déjeuner à bord de Bulle d'O |
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Vendeuse de coco |
Retour de pêche au petit matin. Des tonnes de poissons seront vendues sur le petit port de Tarrafal |
Jeudi 10 Janvier
Tarrafal où le vent s’est calmé.
La journée est superbe. La baie est vraiment magnifique par temps calme.
A force de rester sous l’eau à peaufiner la carène de Bulle d’eau, j’ai les
tympans et les sinus un peu explosés. Pas trop cool à deux jours de notre
départ. Heureusement Catherine notre médecin de bord prend bien soin de moi
: gouttes dans les oreilles, claradol et repos. Pas de problème, je serai
prêt !
Les enfants attendent tranquillement eux aussi cette transat. Nous sommes
tous les 6 très sereins et très heureux de pouvoir vivre cette aventure.
Alexandra poursuit ses apprentissages en cuisine avec beaucoup
d’application. Avec les conseils d’Olivier (Taugl), elle fait maintenant le
pain tous les jours. Un pain en forme de couronne, bien doré et parfumé à
l’huile d’olwive s’il vous plaît ! Elle y passe pas mal de temps et y prend
visiblement beaucoup de plaisir.
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Pain délicieux préparé par Alexandra |
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Notre copain Papé, le Sénégalais de Tarrafal |
Masque Sénégalais |
Marché artisanal de Tarrafal |
Vendredi 11 Janvier
Tarrafal
Le grand départ est pour demain. Derrières retouches ce matin : marché au
légumes pour compléter notre stock en produits frais, internet café pour
charger les derniers fichiers météos, rangement complet de Bulle d’O, tour
du bateau, petits messages à la famille pour rassurer et confirmer notre
départ.
Nicolas, notre cousin qui a créé notre site, est également OK pour nous
donner un nouveau coup de main et mettre à jour les quelques lignes que nous
enverrons par iridium (téléphone satellite) pendant la transat. Grâce à cela, nous pourrons donner de nos nouvelles régulièrement via le web. Très
sympa Bodeva (nom de sa société).
L’après midi a été très studieuse pour tous : Catherine a bichonné Bulle d’O
avec l’aide de Maxime et Sébastien. Le bateau est nickel. Tout y est rangé,
nettoyé avec amour. Alexandra a elle, préparé minutieusement des cakes aux
amandes et cookies pour les premiers jours de notre navigation. Quant à moi,
j’ai avec Emmanuel finalisé la météo et la route à suivre en nous appuyant
sur Daniel notre super routeur.
Nous avons ce soir discuté du déroulement des quarts pour la traversée.
Alexandra et Maxime prendront le premier quart de 20H00 à 22H00. Emmanuel
poursuivra de 22H00 à 01H00. Je suivrai jusqu’à 04H00 puis Catherine de 4H00à 07H00 et enfin Sébastien de 07H00 à 09H00.
Nous laisserons Taugl ouvrir la voie demain matin qui pense partir vers
07H00. Nous suivrons peu de temps après tranquillement.
Nous sommes prêts.
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Barques de pêcheur sur la plage de Tarrafal |
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Carte satellite prise 36 heures avant notre départ. Les îles du Cap vert sont sous le soleil. Les premiers nuages seront rencontrés assez rapidement. La dépression plus au Nord nous amènera une houle de Nord qui va très probablement nous secouer un petit peu |
Samedi 12 Janvier
Tarrafal
Nous levons l’ancre à 09H30 heure locale.
Taugl est lui parti 3 heures plus tôt. Comme nous avançons un peu plus vite
qu’eux, nous devrions les rattraper d’ici un jour ou deux.
Cette transat a beau être présentée comme très cool, cela reste tout de même
très impressionnant. 2100 milles soit plus de 4000 km sans voir la terre et
surtout sans assistance possible en cas de pépin. Nous prévoyons mettre 12 à 14 jours. La tension est perceptible sur Bulle d’O surtout pour les 3
grands. Les enfants eux sont en toute confiance.
Nous partons avec 20 à 25 nœuds de vent sous gennaker seul. Bulle d’O file
bien et vite. Un peu trop vite pour l’équipage qui s’inquiète à juste titre
de maintenir une telle allure pendant la nuit. Je décide donc d’enrouler le
Gennaker pour hisser la GV avec un ris. Nous en bavons un peu avec un tel
vent. Nous y arriverons finalement en déroulant le génois permettant ainsi
de déventer le gennaker et de l’enrouler convenablement.
Dimanche 13 Janvier
Deuxième jour de transat.
180 milles parcourus lors des premières 24 heures.
Vent +/- 20 nœuds, cap suivi : 262°, mer agitée avec une houle peu formée,
ciel partiellement couvert, température de l’air 27°, de l’eau 20°,
baromètre : 1014 hp.
La première nuit a été un peu agitée du fait d’une houle un peu de travers.
Cela devrait s’améliorer dans les jours qui viennent avec un vent qui
progressivement va passer à l’Est.
Nous naviguons bord à bord avec Taugl que nous avons retrouvé depuis ce
matin. Séance photos et vidéo à gogo. Les discussions et les plaisanteries
fusent à la VHF. C’est très sympa de pouvoir faire un petit bout de chemin
ensemble.
La pêche est pour le moment peu fructueuse. Pas de prise, un bas de ligne
qui disparaît, quelques bouts de ligne emmêlés. Peu mieux faire ! On va se
rattraper.
Le moral de l’équipage est bon. Nous savons que la deuxième journée est
souvent la plus fatigante. Nous devons prendre le rythme un peu particulier
des quarts de nuit. Emmanuel s’amarine tranquillement et découvre la grande
croisière.
Tout va bien.
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Taugl que l'on croise en pleine transat |
Séances photos à gogo avec Taugl |
Lundi 14 Janvier
Troisième jour de transat.
190 milles parcourus lors des dernières 24
heures. Vent entre 20 et 30 nœuds, cap suivi : 262°, mer agitée avec une
houle peu formée et désordonnée, ciel partiellement couvert, température de
l’air 27° la journée, 25° la nuit, baromètre : 1017 hp à 02H00.
Première pêche hier après midi : une superbe bonite à dos rayé de 70 cm et
près de 4KG. Sportif à remonter ! L’équipe de pêche a le sourire. Je la
débite en darne immédiatement et la mets au frigo. Nous la mangerons demain,
elle nous fera probablement trois repas.
Point Météo et échange email avec Daniel : « continue cap 265° sur 48H pour
laisser passer ondée tropicale prévue 12N – 33W donnant 25 à 30 Nœuds Est à
Est Sud Est. Retour secteur Est 20 à 25 Nœuds pour mercredi. Pour plus long
terme, entre 13 et 14 Nord, vent Est dominant 15 à 20 Nœuds à confirmer
prochain point. » Merci Daniel pour ces recommandations. Pour parfaire ces
infos, nous continuons également d’écouter Arielle Kassim sur RFI tous les
jours pour son bulletin météo. Indispensable.
Je suis de plus ravi de voir que notre liaison satellite fonctionne
parfaitement et nous permet d’échanger des emails en pleine mer. Nous avons
par ce biais reçu de nombreux messages via notre adresse 881631618230@msg.iridium.com (sans
mettre d’objet, sans mettre d’accent et limité à 140 caractères). Nous ne
pouvons y répondre mais nous vous assurons que tous nous font très plaisir.
Chaque sonnerie de notre iridium fait l’objet de cris de joie des enfants.
02H00
Je prends mon quart comme hier à 01H00 du mat. Emmanuel me commente
rapidement les conditions : « le vent mollit et passe sous les 20 noeuds »
puis part se coucher. Je m’habille donc tranquillement et prends mon poste
au cockpit afin de faire le tour visuel du bateau et des conditions. Je me
retrouve alors sous notre toute première pluie, une petite pluie qui
s’arrêtera assez rapidement. Le vent lui, forcit à près de 30 nœuds de temps
en temps.
Nous sommes avec une GV à plein et sans génois. Nous l’avons enroulé hier
soir pour rester un peu plus longtemps avec Taugl et en prévision de la
nuit. Taugl est maintenant malgré tout derrière nous. Nous avons eu notre
dernière conversation VHF hier soir et il est fort possible que nous ne
puissions plus nous parler avant nos arrivées respectives à la Barbade. Nos
VHF ont en effet une portée de 10 milles et notre écart de vitesse est
estimée à +/1 un nœud.
Tout le monde dort. Catherine devrait passer une nuit plus confortable que
celle d’hier où elle n’avait quasiment pas dormi, inquiète. Malgré cela,
elle assure l’intendance avec brio et sourire, toujours prête et toujours
présente quand il faut. Chapeau.
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Bonite à ventre rayé pêchée dès le deuxième jour de la transat |
Bonite à ventre rayé bien dodu de 80 cm |
Mardi 15 Janvier
Quatrième jour de transat.
168 milles parcourus lors des dernières 24 heures
soit un total de 538 milles sur trois jours. Il reste 1600 milles à
parcourir. Vent entre 20 et 30 nœuds, cap suivi : 265°, mer agitée avec une
houle peu formée, ciel partiellement couvert, température de l’air 27° la
journée, 25° la nuit, eau à 20.9°, baromètre : 1016 hp à 04H00.
La journée d’hier a été plutôt dure. La houle reste très désordonnée et ne
nous permet pas d’avoir une allure régulière. Nous avons même empanné
sauvagement à deux reprises, heureusement sans casse. Nous prenons deux ris
dans un premier temps afin de limiter les forces dans la GV puis décidons
d’affaler la GV et de continuer sous génois seul. La nuit sera comme cela
moins stressante et l’allure plus confortable. Seule contrainte, nous
perdons 2 nœuds pour nous stabiliser à 6,5 nœuds. Qui va piano, va sano, va
lentano…
La bonite a été délicieuse. Grillée à la poêle avec un filet d’huile d’olive
et une pincée de gros sel !
Nous avons hissé à nouveau le gennaker en fin de matinée devant un vent
mollissant. L’allure vent arrière lui convient plutôt bien. Bulle d’O file à
plus de 8 nœuds.
La femme du capitaine :
« 3ème nuit en mer. 5 heures du matin. Ciel couvert, pas une étoile. Nuit
pratiquement noire.
On est loin des ciels étoilés de Méditerranée en septembre où les étoiles
filantes venaient régulièrement ravir les quarts.
J’écris sur mon petit carnet, à la frontale entre deux tours d’horizon. Il
faut cependant se réhabituer à la nuit lorsque l’on éteint la lampe et attendre près d’une minute pour à nouveau distinguer l’horizon.
Nous sommes sous génois seul par vent arrière de 18 à 20 noeuds, allure
confortable pour la nuit ; Notre vitesse varie de 6 à 8 noeuds.
La traversée de passe plutôt bien. Je dis plutôt, car très bien au niveau
sécurité mais moyen en confort.
Près d’un quart du trajet effectué en trois jours. Les conditions sont
cependant moins cool que prévu. Nous sommes en fait toujours en alerte, soit
parce qu’il y a trop de vent et qu’il faut scruter une accalmie de la houle
pour prendre un ris, soit parce que nous sommes ballottés par la mer qui
nous fait danser depuis le départ.
Les enfants ont beaucoup de mal à faire leur CNED (on en aurait à moins).
Moins sensible au roulis que les autres, je m’occupe de l’intendance et de
nourrir l’équipage pendant que Bertrand et Emmanuel écoutent en permanence
le bateau.
Je me souviens avoir lu que Kadavu prenait tous les soirs l’apéro en famille
sur le trampoline pendant la traversée ; On en est loin ! Que ceux qui nous
imaginent nous dorer au soleil la journée et bouquiner tranquillement le
soir lisent ces lignes, il n’en est rien !
L’expérience est toute autre : nous vivons hors du temps, entre l’horizon,
la mer et le ciel, en communion complète avec le bateau, minuscules dans
l’immensité. C’est plutôt ça le frisson de la traversée. En tout cas à mes
yeux. Une belle leçon d’humilité. De beaux moments de partage. »
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La houle reste très désordonnée et nous en fait voir |
Mercredi 16 Janvier
Cinquième jour de transat et près d’un tiers du chemin parcouru.
160 milles lors des dernières 24 heures soit un total de 700 milles depuis Tarrafal. A
10H30 TU, Il reste 1455 milles à parcourir. Vent entre 22 et 30 nœuds
Est/Nord Est, cap suivi : 265°, mer agitée avec une houle de Nord Est
toujours désordonnée et peu confortable, ciel couvert, nous n’avons pas vu
le soleil hier, baromètre : 1016 hp à 04H00.
Alexandra fête aujourd’hui son 15ème anniversaire. C’est un anniversaire un
peu particulier qui devrait rester pour elle. Menu de fête dans une mer
agitée. Nous lui offrons des cadeaux du Cap Vert : colliers, bracelets et
porte monnaie en noix de coco décorés mode Capo Verde, un hippo rigolo et
une tortue en ébène. En prime, nous avons reçu des messages supers sympas
sur iridium des cousins et de manou, avec en plus un poème de Mamie dicté à l’avance. Alexandra a toujours le sourire et se porte à merveille.
Nous avons navigué pendant deux jours avec le gennaker en journée et le
génois seul pendant les nuits. Le gennaker nous permet d’avancer beaucoup
plus rapidement (+ 2 nœuds) mais demande une attention que nous ne
souhaitons pas maintenir durant la nuit. Il est de plus toujours aussi
sportif de l’enrouler avec plus de 25 nœuds de vent. Nous nous y mettons à quatre pour bien l’enrouler avec Sébastien à l’écoute, Emmanuel au barber
Holler, Catherine qui relaie les commandes (le bateau est trop grand !) et
moi à l’emmagasineur. Devant ces difficultés et la mer trop formée nous ne
l’avons pas sorti aujourd’hui et sommes restés toute la journée avec le
génois seul.
J’ai toujours les deux empannages en tête. Je pense avoir fait l’erreur de
ne pas avoir réduit la voilure alors que nous avions près de 30 nœuds de
vent réel. Bulle d’O avançait très bien (10 nœuds) et affichait donc un vent
apparent de 20 nœuds (c’est là mon erreur d’appréciation). Trop pour une GV
si importante. Bulle d’O s’est laissé emporté par une houle de travers qui a
brusquement déventé la GV. Avec une GV arisée, il aurait été plus facileà contrôler. Le métier rentre et la route est encore longue!
Ces conditions agitées nous posent également le problème de la gestion de
l’énergie à bord. Le fait qu’il n’y ait pas de soleil empêche les panneaux
solaires de fonctionner. De plus la mer hachée sollicite beaucoup le pilote
automatique qui consomme donc plus (5 à 10 Ampères/heure). Nous devons donc
faire tourner le générateur bien plus qu’à son habitude soit 6 à 7 heures
par jour. Vivement le retour du soleil.
Nous avons croisé notre troisième cargo hier soir. Il est passé à 5 milles
de nous. Cela nous encourage donc à rester très vigilants pendant nos
quarts.
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Joyeux anniversaire Alexandra |
Alexandra le jour de son anniversaire. Repas bien sûr avec de la Bonite grillée et des frites maison! |
Jeudi 17 Janvier
Sixième jour de transat.
145 milles lors des dernières 24 heures soit un
total de 845 milles en 5 jours. A 10H30 TU, Il reste 1320 milles à
parcourir. Le vent a mollit et se stabilise ce matin à 20 noeuds Est/Nord
Est. Cap suivi : 265°, mer plus calme avec une houle de Nord Est moins
hachée, ciel plutôt découvert, baromètre : 1017 hp. Température30° la
journée et 25° la nuit, eau à 21.4°.
L’équipage est en pleine forme. Nous sommes dans le rythme transat. Les
enfants ont juste un peu de mal à se mettre au Cned. Ils ont été normalement
dispensés pendant deux jours du fait de la mer trop formée et s’y sont remis
ce matin sans trop râler ! En dehors du Cned, ils s’occupent tous les trois
avec des riens : très nombreuses discussions, jeux de rôles, surveillance etécoute du bateau et des voiles, lecture.
Bonne surprise ce matin, nous apercevons Taugl au loin. Nous reprenons
contact avec eux par VHF. C’est bien sympa de se savoir deux dans cette
immensité. Et en plus très rassurant !
Petite galère en fin de journée pour enrouler le gennaker. Il a fait un beau
nœud en s’enroulant un peu n’importe comment. Nous devons l’affaler et le
démêlerons demain. La nuit se fera sous génois seul, doucement.
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Ciel d'Atlantique |
Coucher de soleil au milieu de nulle part |
Vendredi 18 Janvier
Septième jour de transat.
Temps plutôt beau avec passages nuageux.
149 milles lors des dernières 24 heures soit un total de 994 milles en 6
jours. A 010H30 TU, Il reste 1184 milles à parcourir. Le vent varie entre 18
et 25 noeuds secteur Est/Nord Est. Cap suivi : 265°, mer peu agitée,
baromètre : 1017 hp.
Navigation au génois seul dans la nuit du 17 puis gennaker ce matin (8 nœuds
de moyenne) et GV arisée plus génois à partir de 17H00. Bulle d’O est
content de retrouver sa GV. Il se traînait un peu avec le génois seul. Le
gennaker est en vrac dans son sac!
Nous sommes à fond dans notre transat et en profitons pleinement. Les
journées sont depuis trois jours beaucoup plus agréables. Il fait beau, la
mer est bien plus calme avec une houle longue, digne de ce que nous
attendions en traversée.
Nous nous trouvons actuellement à mi chemin, à mille milles de toute terre :
mille milles du Cap Vert et autant de la Barbade. Voila ce qui est
impressionnant, probablement plus que ce que nous avions en tête. Je ressens
en effet une vraie pression à chacune de nos manœuvres en ayant bien en tête
qu’une fausse manip pourrait générer un vrai problème. Enrouler le gennaker
(toujours un peu délicat), l’affaler, hisser la GV, prendre un ris …autant
de manoeuvres réalisées plus simplement lors de nos navigations précédentes.
L’importance du facteur confiance est là encore une fois capitale !
Taugl est toujours à vue et les échanges VHF sont toujours aussi plaisants.
Leur bateau préhistorique tient bien le cap, même si nous prenons
progressivement les devants depuis que nous avons hissé la GV.
Nous avons encore croisé deux cargos hier dans la nuit. Ils sont passés au
loin, à 8 milles de Bulle d’O.
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Ecole en plein océan |
Au milieu de l'Atlantique, en pleine discussion |
Samedi 19 Janvier
Huitième jour de transat.
170 milles lors des dernières 24 heures soit un
total de 1164 milles en 7 jours. Il reste 1 029 milles à parcourir. Le vent reste stabilisé à 20/25 noeuds Est/Nord Est. Cap suivi : 265°, mer peu
agitée à agitée avec une houle de nord, ciel plutôt découvert, baromètre :
1016 hp.
Il est une heure du mat. Je viens de prendre mon quart comme toutes les
nuits. Emmanuel m’a passé le témoin puis est parti se coucher. La lune,
quasiment pleine, illumine la mer. C’est bien. Le ciel est dégagé, quelques
nuages circulent et sont toujours présents à l’horizon, nous privant de
beaux levers ou couchers du soleil. Dommage.
Le vent est relativement stable dans une fourchette toutefois assez
importante et comprise entre 15 et 30 nœuds. Nous sommes avec un ris dans la
GV et un génois que l’on enroule quand le vent fraîchit (souvent la nuit) et
pendant les quarts des enfants. Bulle d’O se comporte à merveille et semble
ne pas souffrir de ce long trajet. Il avale les vagues inlassablement. Cette
configuration (GV + génois en grand largue) lui convient mieux que de
naviguer avec des voiles d’avant uniquement comme on me l’avait recommandé.
Nous avons essayé plusieurs combinaisons qui finalement se sont avérées
toutes plus difficiles à gérer, moins performantes et surtout moins
confortables.
La journée a été marquée par la pêche pour la plus grande joie de Sébastien
et Maxime. Les lignes ont été remises à l’eau depuis ce matin après que la
bonite nous ait rassasiés pendant trois jours. En fin de journée comme
souvent et après tout de même trois grosses déceptions lors de prises qui
ont lâché avant de se retrouver sur le pont, la canne s’est mise à siffler.
Petite lutte sans trop d’histoire avec un wahoo qui a la particularité de
plonger quand il est pris. On ne l’aperçoit qu’à la toute fin, avant de le
remonter, à quelques mètres de la Jupe. Juste le temps de le mesurer (80 cm)
et de se réjouir que la deuxième ligne s’agite à son tour. Une dorade
coryphène se bat comme une folle et nous offre un spectacle de sauts et de
flip flaps au dessus de l’eau. La bataille est plus rude et durera une bonne
demi heure. La bête est grôôssse, énorme même et boucherait bien le port de
Marseille si nous étions dans sa rade ! 1m10 mesurée par les officiels de
l’équipe de pêche. La joie des enfants est immense et nous sommes parés en
poisson pour plusieurs jours.
Taugl est maintenant plus loin derrière nous. Bonne route à son équipage
sympathique, on se donne RDV à la Barbade.
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Et voici un Wahoo tout juste pêché |
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La dorade Coryphène fait des sauts et des flip flaps dans tous les sens. Sa remontée est difficile |
Ca valait le coup de se battre: 1m 10 la belle! |
Dimanche 20 Janvier
Neuvième journée de transat.
191 milles lors des dernières 24 heures. Il
reste 855 milles à parcourir. Le vent monte à 25/30 noeuds avec des pointes
régulières à plus de 30 noeuds. Mer très agitée, ciel plutôt découvert en
journée et couvert la nuit, baromètre : 1017 hp. Un porte container croisé
en début de nuit.
Bulle d’O fonce dans le vent. La nuit a été agitée avec un vent toujours
supérieur à 30 nœuds et parfois atteignant plus de 35. Nous sommes tous
mobilisés et attentifs. Je sens la météo peu stable avec des grains qui ne
vont probablement pas tarder à nous tomber dessus. La nuit se passe à toute
allure, toujours à plus de 9 nœuds avec de nombreuses pointes entre 12 et 16
nœuds. L’équipage a peu dormi.
La fatigue commence un peu à se faire sentir chez les enfants du fait des
quarts jusqu’à 22H00, des nuits un peu secouées, du vent, de la mer et du
Cned dans cet environnement. Tous sont d’accord pour se forcer à faire une
sieste systématique dès aujourd’hui. Ce matin, Alexandra et Max en on
profité pour faire une grasse mat.
Nous prenons un deuxième ris en début d’après midi même si le vent se calme
un peu et retombe sous les 30 nœuds. Vu ce que la nuit dernière nous a
réservé, il est plus sage d’anticiper des conditions musclées pour celle qui
vient.
Nous nous régalons avec les deux « monstres » pêchés hier. Au choix :
coryphène ou wahoo grillé avec une pointe d’huile d’olive et une pincée de
gros sel, coryphène préparée en carpaccio « à la tahitienne », cuite dans du
citron, sel, poivre et arrosée d’un filet d’huile d’olive. Chaque repas est
une fête.
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Couleurs d'Atlantique |
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Bulle d'O ne coule pas, il fonce... |
....et escalade la houle tranquillement |
Lundi 21 Janvier
Dixième journée de transat.
186 milles lors des dernières 24 heures. Il
reste 672 milles à parcourir. Le vent souffle à 35/42 nœuds. Mer forte à
très forte, ciel très couvert la nuit avec des averses et très beau la
journée. Baromètre : 1019 hp.
Ça souffle fort. 35 à 42 nœuds se sont levés vers minuit. Nous prenons cela
pour un grain qui passe avec des averses qui se succèdent, mais le grain ne
semble pas passer. Ou alors il prend son temps. La mer est très formée, la
houle est impressionnante. Je reste de quart toute la nuit et accompagne
Emmanuel d’abord jusqu’à 01H00 puis Catherine à partir de 04H00 du mat.
Nous nous félicitons tous d’avoir pris le deuxième ris avant que les
conditions ne se déchaînent. Je nous voyais mal manœuvrer en pleine nuit
avec une telle mer.
Le vent ne se calme pas avec le lever du jour comme on aurait pu le penser.
Eole est en forme et continue à pousser fort. Nous flirtons toujours avec
les 40 nœuds depuis plus de 15 heures maintenant. Les vagues déferlent
autour de nous, tout est blanc d’écume, la mer bouillonne, c’est magique! Et
aussi un peu impressionnant vous dira Catherine (surtout les déferlante sur
Bulle d’O…). On l’aura mérité notre transat. Bulle d’O est lui, toujours
merveilleux. Il nous emmène sans râler, sans casser, rapidement et en toute
sécurité jusque là. Le cockpit où nous passons la plupart de notre temps est
vraiment très confortable et très sûr même avec de grosses conditions. Nous
prenons bien de temps en temps des paquets d’eau de mer sur nous mais que
faire devant de telles déferlantes.
Arielle Kassim (météo RFI) puis Daniel nous rassurent en nous affirmant que
les conditions vont s’améliorer dès la zone Est Antilles. On calcule
rapidement, Est Antilles commence à 13°50W, nous l’atteindrons en fin de
journée. Ouf, on en voit le bout! Ce coup de vent est en fait une remontée
d’une ondée tropicale qui vient renforcer les alizés sur notre zone. C’est
si simple à expliquer après coup que l’on se demande pourquoi cela n’avait
pas été annoncé avant !
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Grain au loin.
Attention, le vent va s'accélérer soudainement.
On devrait s'en prendre une bonne! |
Vent réel et vitesse...Ce serait bien que ça retombe un peu ! |
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Equipage un peu fatigué quand même... |
Mardi 22 Janvier
Onzième journée de transat.
192 milles lors des dernières 24 heures. Il
reste 490 milles à parcourir. Le vent s’établit entre 25 et 40 nœuds. Mer
encore agitée qui se lève avec le vent, temps beau avec quelques passages
nuageux. Température de l’air : 30.5° la journée et 26.5° la nuit,
température de l’eau : 22.6°.
Tout revient dans l’ordre progressivement durant la nuit. Le vent mollit
tranquillement autour de 25 nœuds et la mer reprend une silhouette plus
fine, plus sereine, plus calme. La nuit fut bonne pour tous, avec tout de
même un petit grain venu me maintenir bien éveillé à deux heures du mat. La
journée voit se succéder les grains (petits), les coûts de vents (40 nœuds
réel à plusieurs reprises encore) et les calmes (soleil, 25 nœuds). La
Barbade se rapproche. Ça sent bon le Ti Punch et les plages de rêve
(n’est-ce pas Jacques?).
Nous continuons à décaler les horloges du bord d’un quart d’heure tous les
jours pour absorber plus facilement les trois heures d’écart entre le Cap
Vert et la Barbade. Cette méthode toute simple nous plaît beaucoup.
Petit retour sur les questions de la protection de la planète dont nous
avons évoqué le sujet il y a quelques jours. Je recommande à ceux que cela
intéresse le livre « ma vérité sur la planète » de Claude Allègre. Il
présente les principaux challenges à venir, développe les solutions qui
s’imposent et surtout tacle, dans son style rentre dedans, les propositions
faites par « les champions de la décroissance et du catastrophisme » avec
en chef de file N. Hulot (pacte écologique) et Al Gore (pour le
catastrophisme). Passionnant pour se faire sa propre idée sur les OGM, le
réchauffement climatique (Global Warning), les rejets de CO2, le nucléaire,
la protection de la biodiversité (essentiel pour protéger un monde de
différence, coucou Sodexho), les océans et plus généralement le problème de
l’eau dans le monde qui va devenir rapidement selon lui le problème N°1. Une
belle envolée afin de démontrer que écologie et croissance ne sont pas
nécessairement opposés et que l’écologie peut et doit devenir le moteur de
la croissance.
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Une accalmie, alors on en profite pour se doucher... |
.... et prendre un peu le soleil |
Mercredi 23 Janvier
Douzième journée de transat.
181 milles lors des dernières 24 heures. Il reste 314 milles à parcourir. Le vent Est qui reste établi entre 20 et 25 nœuds avec quelques pointes à 30 noeuds. Mer peu agitée, beau temps avec quelques passages nuageux. Un Cargo croisé hier soir à 1,8 milles de Bulle d’O. Une tortue géante et des dauphins en pagailles. Enfin, un peu de vie !
Nous naviguons toujours avec deux ris dans la GV et le génois enroulé la plupart du temps. Nous marchons à près de 8 nœuds de moyenne, plein vent arrière. Les points d’attention pour tous sont identiques depuis trois jours et rappelés avant chaque nuit:
1) En premier lieu surveiller l’angle du vent afin de ne pas risquer d’empanner. Le problème peut survenir soit d’une bascule de vent inattendue soit d’une déferlante qui modifie brusquement le cap de Bulle d’O. La personne de quart doit surveiller constamment la girouette et l’anémomètre.
2) Les passages de grains qui amènent une accélération soudaine du vent et peuvent également modifier son angle.
3) Ne pas oublier d’en profiter, l’arrivée est proche maintenant
La houle nous mène parfois la vie un peu dure. Elle est parfois bien droite, dans une seule direction donc confortable mais le plus souvent elle est croisée, venant à la fois du vent (donc Est) et du Nord, poussée probablement par une dépression à des milliers de kilomètres de là. Le résultat est plutôt pas terrible, surtout quand le vent mollit comme il le fait cette nuit ! Bulle d’O n’apprécie pas plus que nous.
Premier petit pépin matériel de la transat : la poulie de la bosse de ris N°2 à volé en éclat en début de matinée. Une belle poulie Fredericksen, toute neuve, changée avant de partir. Problème sans gravité puisque nous la remplaçons par une poulie ouvrante qui fera l’affaire jusqu’à notre arrivée.
La pêche continue de faire notre bonheur avec une belle Coryphène de 90 Cm. On ne s’en lasse pas.
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L'équipe de pêche et son trophée et repas du jour: une coryphène de 90 cm cette fois |
Poulie du ris N°2 qui a laché.
Elle a été remplacée immédiatement par cette poulie ouvrante |
Jeudi 24 Janvier
Nuit en mer. Arrivée à La Barbade à 05H00 du mat.
Teeeeerre…
Catherine, de quart entre une heure et quatre heures du mat, a eu le plaisir de voir la première la cote éclairée de La Barbade. Il est 02H00 du mat. Elle me passe le témoin à 04H00. Seb me rejoint rapidement, voulant absolument faire l’approche. L’arrivée se fait en douceur avec 22 nœuds de vent et une vitesse de 8 nœuds. La houle se calme, Bulle d’O peut glisser sereinement pour ses derniers milles. Le passage de South point se fait à 05H05 heure locale. Tous se réveillent spontanément. Catherine puis Maxime, Alexandra et Emmanuel. L’eau est bleu turquoise, le soleil donne, le sable blanc contraste avec les palmiers bien verts.
Ça y est, c’est fait. On l’a traversé cet océan ! En 12 jours 22 heures 45 minutes
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Et après près de treize jours de mer: teeeeeeeeeeerrrre..........
Il est 05H00 du mat |
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